Mademoiselle Kadiatou Touré avec mes verres fumés, 1969. Photo © Malick Sidibé.
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L’exposition en détails

Malick Sidibé lors de la soirée organisée pour les 20 ans de la Fondation Cartier, Paris, 2004. © Malick Sidibé.

D’une famille peule, Malick Sidibé est né en 1935 à Soloba, un village au sud de Bamako, près de la frontière guinéenne. Remarqué pour ses talents de dessinateur, il est admis à l’école des artisans soudanais de Bamako, où il obtient son diplôme en 1955. Il fait ses premiers pas dans la photographie auprès de Gérard Guillat, dit « Gégé la Pellicule », et ouvre le Studio Malick en 1962 dans le quartier de Bagadadji, au coeur de la capitale malienne. Les portraits qu’il y réalise reflètent la complicité qu’il crée naturellement avec ses clients. Malick Sidibé s’implique tout autant dans la vie culturelle et sociale de Bamako, en pleine effervescence depuis l’indépendance du pays en 1960, et devient une figure incontournable très appréciée de la jeunesse. Il est le photographe le plus demandé pour couvrir les soirées et surprises-parties où les jeunes découvrent les danses venues d’Europe et de Cuba, s’habillent à la mode occidentale et rivalisent d’élégance. Pendant les vacances et les week-ends, ces soirées durent jusqu’à l’aube et se prolongent sur les rives du fleuve Niger. De ses reportages de proximité, Malick Sidibé rapporte des instantanés emplis de musique, d’authenticité et de joies partagées, qui sont autant de témoignages inestimables d’une époque pleine d’espoir.

Malicki

Malick Sidibé était timide ; il ne dansait pas mais aimait les soirées, les ambiances, la musique… La jeunesse mods, pattes d’eph et chaussures plates-formes l’amusait beaucoup. Ça swinguait avec Kar Kar sur la rumba, hula hoop et cha-cha-cha, le « blouson noir » qui roulait en Vespa. Ses tubes, Mali Twist et Kayeba, passaient et repassaient sur Radio Mali. Les jeunes des quartiers se regroupaient en clubs : Club des As, Club Saint- Germain-des-Prés, Beatles, Caïds, Djentlemanes, Rivingstones, Zazous… se faisaient concurrence. 
Il leur fallait les meilleurs disques, être à la mode dernier cri, avoir la classe des acteurs de films, pour attirer les plus belles filles. Malick était la garantie d’une soirée réussie. On se le disputait, tout comme Garrincha, qui dansait le twist si bien et si vite qu’on lui avait donné le nom du meilleur dribbleur de tous les temps. Un vrai spectacle ! Malick, attendu aux soirées, avait sa table et un « sucré ».

Il inspirait confiance, trop sincère pour « voler » des images. Il signalait son arrivée par un coup de flash. « Malick est là ! » La fête pouvait commencer. Immédiatement c’était l’ambiance, il donnait de la joie. Son plaisir, c’était leur plaisir. Malick portait un regard objectif et généreux, sans écart entre les élégants, les séducteurs, les amoureux qui s’exhibaient, et lui qui cherchait les belles poses. Il se transportait en eux pour donner les images les plus vraies.

Sa photographie était pensée sur le mode de ce qui surgit, de ce qui arrive du hasard, de la bonne rencontre. Il était dans la présence, immortalisait des moments. Nuit de Noël, d’une douceur et d’une tendresse « infinies », est un instant volé au temps. Ses images dévoilent une conscience aiguë de coïncidences heureuses qui l’ont voulu infatigable, généreux, aimant. Toute sa vie, depuis son enfance à Soloba jusqu’aux prestigieux prix Hasselblad et Lion d’or de la Biennale de Venise, Malick a dit qu’il avait eu de la chance, que c’était son destin, un don de Dieu. En fait, il était une preuve vivante, évidente de la gravitation des événements. Malick communiquait sa joie, donnait sa vie. Il aimait la jeunesse et la jeunesse l’aimait. Toute son oeuvre vient de là, de cet amour-là.

En 1994, Seydou Keïta et Malick Sidibé ont été au cœur des premières Rencontres de la photographie de Bamako. Ils ont eu tous les honneurs. En 1994 et 1995, ils ont été exposés pour la première fois hors du Mali, à Paris, à la Fondation Cartier et publiés par Scalo, Walter Keller, « l’homme pressé de la photographie ». Malick Sidibé a beaucoup voyagé et a été célébré partout dans le monde. Il a donné beaucoup de bonheur, il a eu beaucoup de prestige.

Le 10 juin 2007, Malick recevait le Lion d’or à Venise pour l’ensemble de son oeuvre devant une foule de journalistes, de photographes et de reporters. Il le portait au-dessus de sa tête, il était au ciel. « Je n’aurais jamais pu rêver une si belle histoire. J’ai tout donné à mon village, à ma famille. » Il avait les larmes, nous sommes tombés dans les bras.

André Magnin, commissaire de l’exposition
Texte extrait du catalogue Malick Sidibé, Mali Twist