La Fondation Cartier et l’architecture

Le bâtiment de la Fondation Cartier a fait son apparition sur les plans de Paris à la faveur du prolongement de la rue de Rivoli, pendant la première phase des grands travaux conduits par le baron Haussmann. Construit en 1854-1855 lors du prolongement de la rue de Rivoli au moment de la première Exposition universelle de Paris, le bâtiment respecte l’ordonnance des architectes Charles Percier et Pierre Fontaine avec sa façade de pierre régulière reposant sur une enfilade d’arcades. Haut de cinq étages, le bâtiment a abrité le Grand Hôtel du Louvre et les Grands Magasins du Louvre, qui y sont restées pendant près d’un siècle, marquant la vie culturelle et sociale du centre de Paris. Avec la transformation qu’il y opère, Jean Nouvel met en valeur les éléments architecturaux et urbains existants, synonymes de la modernité historique du XIXe siècle.

Dès décembre 2013, la Fondation Cartier confie à l’architecte la mission de repenser le site afin d’y imaginer un nouveau lieu pour l’art contemporain. « Il faut que l’on gagne la notion d’espace par le haut, par le bas et par les transversalités dans le bâtiment, en somme qu’on étende l’espace », projette-t-il d’emblée. De cette réflexion naît l’idée d’une grande « machine » intérieure : de vastes plateformes capables de monter et descendre sous les verrières plafonnant l’entresol. Installer ce dispositif inédit dans un bâtiment patrimonial, déjà modifié à plusieurs reprises, s’avère être un immense défi.   

Le bâtiment, accessible par ses quatre angles, offre ainsi 8 500 m² ouverts au public, dont 6 500 m² de surface d’exposition, répartis entre le sous-sol, le rez-de-chaussée et le premier étage, dans une architecture modulable qui confronte les époques. 

Cinq plateformes de 200 à 340 m² chacune, réglables à différentes hauteurs, constituent le dispositif muséographique inséré au centre du bâtiment de la Fondation Cartier. Derrière la façade entièrement préservée, cette architecture dynamique permet de créer une combinaison inattendue de volumes, de vides et d’espaces, affirmant ainsi la modularité de l’institution culturelle, et la place centrale de l’innovation dans les pratiques d’exposition dans le projet de la Fondation Cartier. 

Le paysage architectural intérieur offre une vision impressionnante : plafonds rétractables et garde-corps mécanisés transforment la lumière et les perspectives, offrant une expérience toujours renouvelée. 

Avec cette transformation, Jean Nouvel valorise les éléments architecturaux et urbains du XIXe siècle, tout en y ajoutant de hautes baies vitrées qui courent le long des façades. La transparence réinterprète les vitrines d’antan, offrant aux passants un système visuel total. L’ajout d’un auvent en verre, rappelant ceux autrefois installés sur les rues Saint-Honoré et de Marengo, renforce cette unité urbaine singulière et fait converger les expériences de la rue, des arcades historiques et des espaces intérieurs. 

L’architecture a conditionné la programmation de la Fondation Cartier depuis ses débuts. En 1994, la Fondation Cartier pour l’art contemporain quitte le domaine Montcel à Jouy-en-Josas et s’installe à Paris, au 261 boulevard Raspail, dans un bâtiment de verre et d’acier conçu par Jean Nouvel. Ce lieu ouvert rompt alors avec l’esthétique du white cube en faveur de matériaux vivants et ouverts à la fois sur le jardin et sur la ville. Marquant l’urbanisme contemporain, cette construction toute en reflets — huit étages de verre et d’acier — joue avec les variations de lumière : un contexte inédit pour les artistes invités à exposer. 

Ouverte sur son jardin, le Theatrum Botanicum imaginé par l’artiste allemand Lothar Baumgarten, il abolit la frontière entre l’intérieur et l’extérieur. « Tout est en mouvement, reflété dans le jeu de rythmes horizontaux et verticaux, et dans celui du changement des saisons », commentait l’artiste à la naissance de ce jardin.